Éléments pour une histoire de la lutte contre la stérilité involontaire (France, 1920-1982)

Abstract

Cet article cherche à défricher l’histoire encore méconnue de la lutte contre la stérilité dans la France du xxe siècle. L’auteur s’attache notamment à reconstruire le cadre matériel, institutionnel et médical du traitement des troubles de la reproduction, en mettant en lumière les enjeux politiques (moins souvent étudiés que les implications éthiques de l’assistance médicale à la procréation) dont il dépend. En réinscrivant la genèse de la lutte contre la stérilité dans le champ des politiques de la vie humaine et de la population, il est possible de faire apparaître quels objectifs pesaient sur la médicalisation de la reproduction. Saisie, selon les acteurs et les moments, par des considérations tantôt natalistes, tantôt eugénistes, cette dernière peut surtout être envisagée comme une alternative « positive » aux politiques coercitives de lutte contre les pratiques malthusiennes et surtout contre l’avortement. Une autre question abordée dans ce texte porte sur le soutien effectif apporté par les institutions publiques en matière de lutte contre l’infertilité. Si les médecins se sont souvent plaints de la faiblesse des moyens engagés, ils semblent aussi avoir tiré profit de la quasi-absence de réglementation, qui leur conférait une liberté de mouvement notable.

This article explores the relatively unknown history of the treatment of infertility in twentieth-century France. The author examines the material, institutionnal and medical frame of this activity, and tries to enlight the political issues the medicine of human reproduction was associated to. More widely, the genesis of this medical speciality is described as part of “biopolitics”, as an aspect of the human life/population policies. In this perspective, the development of a medical action against infertility can be considered as a “positive” alternative to the coercive measures that intented to reduce contraception and abortion. The public support furnished by the State, the hospitals or the municipalities between the 1920s and the 1970s, was certainly insufficient. But the absence of control gave the physicians the possibility of experimenting various techniques, whithout being hinded by moral or legal constraints.