Abstract
S’il est une question d’histoire des sciences où se mêlent – assez étroitement pour qu’ils ne se puissent parfois distinguer – faits et croyances, c’est bien celle des limites de la vie. Objet de crainte ou de fascination, l’extrême longévité est comptée dès l’Antiquité au nombre des merveilles de la nature. L’histoire naturelle de ce phénomène – qui touche à l’histoire de la science démographique – se double, dès les commencements, d’une histoire morale où se répondent considérations théologiques et croyances mythiques forgées à propos de cas réputés plus ou moins extraordinaires. Quelques éléments de cette double histoire sont proposés ici, coups de sonde effectués dans la littérature, moins pour « ressusciter » les faits – ou pseudo-faits – eux-mêmes que pour suggérer les arrière-plans au nom desquels ils sont invoqués. On s’attache plutôt ici au XVIIIe siècle et au problème de la croyance en ces « phénomènes », en choisissant quelques traces caractéristiques, tandis que l’hésitation entre rationnel et irrationnel se déchiffre encore dans la réflexion sur les macrobes d’un des premiers « démographes », le pasteur J. P. Süssmilch (1707-1767), hésitation à son tour poursuivie au long des deux siècles suivants. On montre que le mythe résiste puisque son accession à la science positive peut encore être supposée. Au moins sous la forme du rajeunissement perpétuel, la croyance dans le mythe est toujours florissante. Y a-t-il le moindre hasard dans le fait que la légende de Faust soit, par excellence, un « mythe moderne » ?The limits of life is a topic in the history of sciences which mixes - so closely that sometimes they cannot be distinguished - facts and beliefs. The object of fear or fascination, extreme longevity in Antiquity is counted among the wonders of nature. The natural history of this phenomenon – which touches on the history of demographic science – combines from the beginning, a legal history with theological considerations and mythical beliefs that are forged on cases reputed to be more or less extraordinary. Some elements of this dual history are offered in this article, soundings made in the literature, less for “resurrecting” the facts – or pseudo-facts – themselves than to suggest the background in which they are invoked. The period is the eighteenth century and the problem of belief in these “phenomena”, by tracing some features, while the hesitation between rational and irrational are at the same time analysed in the thinking on one of the first macrobes “demographers”, the Prussian pastor J. P. Süssmilch (1707-1767), a hesitation that was to be pursued over the next two centuries. It is shown in this paper that the myth of immortality resists since its incorporation to positive science can still be assumed. At least in the form of perpetual rejuvenation, the belief in the myth is still thriving. Is there any coincidence in the fact that the Faust legend is, par excellence, a “modern myth”?
Date
2016Identifier
oai:cairn.info:GS1_151_0113https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=GS1_151_0113