Author(s)
Anquetil, AlainKeywords
éthique des affairesscepticisme
théories normatives
thèse de la séparation
égoïsme
business ethics
skepticism
normative theories
separation thesis
egoism
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L’éthique des affaires et le scepticisme moral L’expression « éthique des affaires » évoque souvent une incompatibilité entre l’éthique et la vie économique marchande. Cette incompatibilité reflète une attitude sceptique sur la possibilité d’une éthique dans les affaires. Il en résulte une problématique épistémologique : celle de l’influence du scepticisme sur les théories qui ont été élaborées dans le champ de l’éthique des affaires. Dans cet article, nous défendons l’hypothèse selon laquelle une telle attitude sceptique a pu contribuer à structurer les approches normatives proposées dans l’éthique des affaires. À cette fin, nous montrerons à partir d’exemples issus de la littérature la manière dont les théoriciens répondent à ce scepticisme avant de proposer des positions normatives.Notre méthodologie se développera en deux temps. D’abord, nous distinguerons quatre formes de scepticisme sur l’éthique dans les affaires : la première, idéologique, est fondée sur une critique des fondements du système économique ; la seconde, anti-théorique, affirme que les théories morales ont peu d’utilité car elles sont déconnectées des pratiques des acteurs ; la troisième, méta-éthique, énonce que les principes moraux censés gouverner la vie des affaires sont dépourvus de valeur de vérité, ce qui implique qu’ils n’ont pas un pouvoir de conviction suffisant ; la quatrième repose sur une conception égoïste des motivations humaines qui compromet l’efficacité de l’éthique dans les affaires.Dans un second temps, nous traiterons des réponses apportées à ces formes de scepticisme. Nous présenterons ainsi plusieurs éléments permettant de vérifier l’influence du scepticisme sur les approches normatives de l’éthique des affaires. Nous traiterons en particulier des formes « métaéthique » et « liée à l’égoïsme de la nature humaine ». La forme méta-éthique peut être résumée par la thèse de la séparation, qui affirme que la morale de la vie économique est séparée de la morale ordinaire. Une réponse à la thèse de la séparation, due à Freeman, consiste à proposer un nouveau langage pour décrire la vie économique. Une autre réponse, due à Solomon, est de défendre l’idée que les activités économiques marchandes et les autres domaines de la vie humaine font partie intégrante d’un même ensemble régi par les mêmes règles morales, et que chaque acteur doit se penser lui-même comme membre d’une unique communauté morale. En ce qui concerne le scepticisme lié à l’égoïsme de la nature humaine, deux réponses sont présentées. La première se situe dans le champ du marketing. Proposée par Robin et Reichenbach, elle revient à concevoir la morale des affaires comme un instrument de compensation des « sympathies limitées » dont font preuve les êtres humains. La seconde réponse, formulée par Sen, revient à dénoncer les fondements de la croyance selon laquelle les acteurs économiques sont par nature égoïstes, une croyance qui s’enracine souvent dans une mauvaise interprétation d’un célèbre passage de La richesse des nations d’Adam Smith.Les apports de notre argument épistémologique sont de deux types. Le premier est qu’il convient de prendre au sérieux le scepticisme relatif à la place de l’éthique dans les affaires, c’est-à-dire de considérer ses effets non seulement sur les pratiques, mais aussi sur les constructions théoriques. Le second apport est que les théories de l’éthique des affaires devraient s’affranchir de toute attitude sceptique et partir de critères relatifs à ce que sont une bonne vie et de bonnes relations humaines.The phrase ‘business ethics’ frequently evokes an incompatibility between business and ethics. Such an incompatibility reflects a negative skeptical attitude regarding the possibility of an ethics in business. This attitude raises in turn the following epistemological question: what was the influence of skepticism on normative theories that have been built in business ethics? In this paper, it is argued that skepticism have played a central and structuring role in normative theorization within this field. For this purpose, and using examples taken from the business ethics literature, we will try to show how business ethicists answer to this skepticism before exposing their theories and showing how they can address it.The argument will be presented in two steps. First, four species of skepticism will be considered. The first one is ideological: it is based on a radical criticism of the foundations of the market economy. The second kind of skepticism has an anti-theoretical dimension: it questions the practical relevance of ethical theory. The third, which pertains to meta-ethics, is concerned with the view that moral statements have no truth value and therefore lack any power of conviction. The fourth kind of skepticism refers to an egoistic account of moral human motivations, which reduces significantly the practical authority of morality.The second step of the argument will deal with the answers that have been proposed in the business ethics literature, especially within its normative branch, to these forms of skepticism. The metaethical and egoistic kinds will be more specifically considered. The former kind is often summarized by the phrase “separation thesis,” that is, the idea that business morality is less demanding than common morality. One answer to the separation thesis has been advanced by Freeman. It consists in changing the language with which business facts and practices are described. Another answer, proposed by Solomon, is that economic and non-economic activities are part of a single community governed by the same moral rules, and that each economic actor should consider himself as a member of this unique community. Two answers are also proposed with respect to the form of skepticism which lies in an egoistic account of moral human motivations. The first one has been emphasized in the “ethical philosophy for marketing” defended by Robin and Reidenbach. In their view, the proper function of business morality is to counterbalance the “limited sympathies” that characterize human relationships. The second answer, put forward by Sen, aims at showing that the belief that economic actors would be exclusively self-interested is not justified. This belief often relates to a famous passage of Adam Smith’s Wealth of Nations, but Sen explains why it is misinterpreted.Our epistemological argument has two main consequences. First, it stresses the fact that skepticism about ethics in business should be taken seriously. In other words, its effects on practices and on theoretical constructions should be considered. Second, theories in business ethics should be detached from skepticism and based on criteria that define a good human life and good human relations in general.
La expresión « ética de los negocios » evoca muchas veces una incompatibilidad entre la ética y la vida económica mercantil. Esta incompatibilidad refleja una actitud escéptica a propósito de la posibilidad de una ética en los negocios. De ello procede una problemática epistemológica : la de la influencia del escepticismo a propósito de las teorías que se han elaborado en el ámbito de la ética de los negocios. En este artículo, defendemos la hipótesis según la cual semejante actitud escéptica ha podido contribuir a estructurar los enfoques normativos propuestos en la ética de los negocios. Con este fin, demostraremos, a partir de ejemplos procedentes de la literatura, cómo reaccionan los teóricos frente a este escepticismo antes de proponer orientaciones normativas.Nuestra metodología se desarrollará en dos fases. En un principio, distinguiremos cuatro formas de escepticismo sobre la ética de los negocios : la primera, ideológica, que se fundó en una crítica de los fundamentos del sistema económica ; la segunda, antiteórica, afirma que las teorías morales tienen poca utilidad porque se han desconectado de las prácticas de los actores; la tercera, metaética, enuncia que los principios morales que supuestamente gobernan la vida de los negocios están desprovistos de valor de verdad, lo que implica que no tienen un poder de convicción suficiente ; la cuarta se funda en una concepción egoísta de las motivaciones humanas que comprometen la eficacia de la ética en los negocios. En un segundo tiempo, trataremos de las respuestas que se dan a estas formas de escepticismo. Presentaremos así varios elementos que permiten comprobar la influencia del escepticismo a propósito de los enfoques normativos de la ética de los negocios. Trataremos en particular de las formas « metaética » y « vinculada al egoísmo de la naturaleza humana ». La forma metaética puede resumirse por la tesis de la separación, que afirma que la moral de la vida económica está alejada de la moral ordinaria. Una respuesta a la tesis de la separación, que se debe a Freeman, consiste en proponer un nuevo lenguaje para describir la vida económica. Otra respuesta, que se debe a Solomon, es defender la idea según la que las actividades económicas mercantiles y los otros sectores de la vida humana forman parte íntegra de un mismo conjunto regido por las mismas reglas morales, y cada actor tiene que pensarse a sí mismo como miembro de una única comunidad moral. En lo que atañe al escepticismo relacionado con el egoísmo de la naturaleza humana, se ofrecen dos respuestas. La primera se sitúa en el sector del marketing. Propuesto por Robin y Reichenbach, consiste en considerar la moral de los negocios como un instrumento de compensación de las « simpatías limitadas » que manifiestan los seres humanos. La segunda respuesta, formulada por Sen, consiste en denunciar los fundamentos de la creencia según la que los actores económicos son por naturaleza egoístas, una creencia que se arraiga a menudo en una interpretación errada de un famoso extracto de La riqueza de las naciones de Adam Smith.Los aportes de nuestro argumento epistemológico son de dos tipos. El primero es que es preciso tomar en serio el escepticismo relativo al lugar de la ética en los negocios, o sea considerar sus efectos no solo sobre las prácticas, sino también sobre las construcciones teóricas. El segundo aporte es que las teorías de la ética de los negocios deberían liberarse de cualquier actitud escéptica y empezar desde criterios relativos a lo que son una buena vida y buenas relaciones humanas.
Date
2013Identifier
oai:cairn.info:RIMHE_009_0003http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RIMHE_009_0003